Ethnopsychiatre, professeur de psychologie, Tobie Nathan évoque sa vie à contre-courant, ses débuts, maoïste en déshérence, Juif d’Égypte exilé qui grandit à Gennevilliers. Exode. “Vivre, étranger dans un pays étrange, étranger à soi-même.” Courage et liberté de pensée caractérisent Tobie !
« Cette nuit-là, j’ai fait deux rencontres, une personne, bien réelle, que j’ai revue par la suite, et une autre, plus floue, dont j’aurais du mal à parler. Peut-être l’ai-je seulement rêvée celle-là ? Ces rencontres ont été si puissantes, se sont révélées si décisives, qu’elles demeurent inscrites dans ma mémoire comme des balises, posées là pour éclairer mon chemin… »
C’est un vendredi, le vendredi 10 mai 1968. Sur sa mobylette, le jeune Tobie, maoïste en déshérence, louvoie entre « CRS SS », barricades et étudiants en colère. Alors que la foule envahit le quartier Latin, il va à contre-courant comme il l’a toujours fait. Juif d’Égypte exilé, passé par Rome et qui grandit à Gennevilliers. L’exode a brisé sa mère, son père est insaisissable et lui est devenu autre, dans une « absolue étrangeté », celle de « vivre étranger dans un pays étrange, étranger à soi-même ». Reste l’amour pour se rattacher au monde qui va, l’amour à fleur de peau et le désir ardent, dans les bras de femmes initiatrices qui le ramènent à l’épaisseur de l’existence.
La découverte de Freud met des mots sur l’exaspération de sa jeunesse, le mariage entre ethnologie et psychanalyse devient une voie possible. Mais dans cette nuit-là, de révolution et de chaos intérieur, c’est un autre Égyptien qui s’impose à lui. Zohar Zohar l’élégant, ange gardien et vengeur, à la poursuite du nazi qui l’obsède. Et aussi Sett Sal’ha, la Libyenne, fantôme des origines tout droit sortie de l’enfance et qui convoque l’ultime question : « Pourquoi sommes-nous sortis d’Égypte ? »
Et si c’était en une nuit que se décidait son destin ?
Rencontre avec Tobie Nathan, Et si c’était une nuit (Stock).