Je le verrai toujours sur le quai de la gare de Strasbourg hurlant mon nom dans un éclat de rire en imitant François Mitterrand.
Cet agent secret que je respectais était magique. Une magie née de sa passion pour la littérature, la poésie, la nature et la musique, pour la rencontre amoureuse, pour l’art du secret et de l’intime.
Philippe Sollers, agent secret ? Solitaire dans un monde de nains. Triste de devoir laisser partir D.
Tant de choses à dire sur nos multiples rencontres. Des dîners à refaire le monde et à parler de Casanova, de Venise, de Céline et de Dominique Rolin. Et de la Nrf. Des sociétés secrètes. De l’édition. De l’amour des livres. Et du manque de curiosité de nos contemporains aux avis déculturés, définitifs et péremptoires.
Nous avons même chanté Don Giovanni sur la scène de l’Aubette pendant les Bibliothèques Idéales.
« Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles. Ma vie est dans les marais, les vignes, les vagues. Qu’importe ici qui dit je. Écrire à la main, nager dans l’encre bleue, voir le liquide s’écouler sont des expériences fondamentales. Je vis à la limite d’une réserve d’oiseaux, mouettes rieuses, goélands, faucons, sternes, bécasseaux, canards colverts, hérons. Ah être un oiseau ! Dans la maison, tous les matins, je laisse Richter jouer Haydn, on pourrait l’écouter sans cesse, ré mineur, concert public de Mantoue, notes vives et détachées, j’aime le futur immédiat, je ne crains pas la répétition, jeu enfantin, cercle qui ne va nulle part, on écrit toujours pour une voix disait Beckett, pas de voix, pas de notes ni de mots. Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible » (Philippe Sollers).
